CONSEQUENCES DE L’ABSENCE DE CONVOCATION A UNE VISITE DE REPRISE DE LA PART DE L’EMPLOYEUR

, par FO Drôme-Ardèche

Cher(e) s camarades,

La Cour de cassation a rendu un arrêt plutôt intéressant en date du 6 octobre dernier, confirmant une jurisprudence déjà existante.

Celui-ci concerne la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par un salarié qui n’avait pas été convoqué à une visite de reprise, et ce, alors que la loi l’exigeait.

La Cour a décidé que cette absence de convocation par l’employeur constitue un manquement suffisamment grave pour justifier une prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié…aux torts de l’employeur.

La visite de reprise

La visite de reprise du travail est prévue aux articles R 4624-21 et R 4624-22 du Code du travail.

Ceux-ci énoncent qu’un salarié doit bénéficier, dans les 8 jours de la reprise de son travail, d’un examen médical :

1/ Après un congé de maternité ;

2/ Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

3/ Après une absence d’au moins 8 jours pour cause d’accident du travail ;

4/ Après une absence d’au moins 21 jours pour cause de maladie ou d’accident non professionnel ;

5/ En cas d’absences répétées pour raisons de santé.

La visite de reprise doit être pratiquée par le médecin du travail et a pour objet d’apprécier l’aptitude médicale du salarié à reprendre son ancien emploi. A ce titre, le médecin du travail décidera de la nécessité d’une adaptation des conditions de travail et/ou d’une réadaptation du salarié.

Les conséquences de l’absence de convocation à une visite de reprise

L’employeur qui ne prend pas les mesures pour convoquer un salarié à une visite de reprise suite à un arrêt de travail, commet une faute qui produit des conséquences favorables au travailleur lésé.

Suspension du contrat de travail :

Le contrat du salarié en arrêt de travail (dans les cas énumérés précédemment) est suspendu. Or, cette suspension ne prendra pas fin le jour du terme de l’arrêt de travail mais perdure jusqu’à la visite de reprise. Ainsi, tant que le salarié n’a pas passé sa visite de reprise, son contrat reste suspendu, et ce, même s’il a repris son poste à l’issue de son arrêt.

Conséquence : un licenciement pour faute pendant cette période pourra être frappé de nullité.

Protection en cas d’accident du travail ou maladie professionnelle

Les victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle (ATMP) bénéficient d’une protection contre le licenciement. Pendant la durée de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail à durée indéterminée que s’il justifie :

  d’une faute grave ou lourde ;

ou

  de l’impossibilité où il se trouve de maintenir le contrat pour un motif non lié à l’AT ou la MP.

La protection ne prend fin qu’à l’issue de la visite de reprise, et ce, même si le travailleur a déjà repris son poste.

 L’arrêt du 6 octobre 2010 : absence de visite de reprise et prise d’acte

Une salariée a été malade plus de 21 jours. Bien qu’il soit tenu de la convoquer à une visite de reprise dans les 8 jours suivant le retour au travail, l’employeur ne le fait pas.

La salariée prend acte de la rupture de son contrat de travail au motif de la non- convocation à sa visite de reprise.

La Cour d’appel donne raison à la salariée.

Elle rappelle que l’employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise et qu’il doit en assurer l’effectivité. Dès lors, il ne peut laisser « un salarié reprendre son travail après une période d’absence d’au moins 21 jours pour cause de maladie sans le faire bénéficier lors de la reprise du travail ou au plus tard dans les 8 jours de celle-ci, d’un examen par le médecin du travail destiné à apprécier son aptitude à reprendre son ancien emploi… ».

L’employeur forme un pourvoi.

La chambre sociale de la Cour de cassation le rejette. Dans les 8 jours de la reprise, la salariée n’avait pas passé de visite mais l’employeur n’avait pas non plus pris l’initiative de lui faire passer cette visite. L’employeur a ainsi commis un manquement suffisamment grave pour justifier la prise d’acte par la salariée de la rupture de son contrat de travail ; prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La solution aurait sûrement été différente si l’employeur avait, dans le délai imparti, au moins contacté le médecin du travail pour organiser cette visite…la prise d’acte aurait peut être été considérée comme une démission.

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Dans le cas d’une absence de convocation à une visite de reprise, la prise d’acte de rupture du contrat de travail par le salarié est une arme à manier avec prudence. En effet, pour que cette prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, encore faut-il être sûr que non seulement le salarié n’a pas passé sa visite de reprise dans les 8 jours, mais encore que l’employeur n’a pas contacté le service de santé au travail pour l’organiser, même ultérieurement… Au regard de la situation actuelle, l’employeur pourrait servir l’argument selon lequel il a bien contacté le service de santé au travail dans les 8 jours mais que ce dernier n’a pu satisfaire sa demande en temps et en heure.

La pénurie des médecins du travail et l’encombrement des services de santé au travail fait le malheur des uns et le bonheur des autres. Dans ces conditions et à la lumière de la réforme de la médecine du travail dissimulée dans la loi portant réforme des retraites, il n’y a plus qu’un pas à ce que ces visites soient supprimées faute de personnel suffisant pour les assurer...

Référence : Cass.Soc., 6 octobre 2010, Marie A. c/ Laurence K.

Amitiés syndicalistes.

Jean-Marc BILQUEZ Secrétaire Confédéral

Jean-Claude MAILLY Secrétaire Général